À première vue, on a du mal à reconnaître les structures anatomiques. Les planches de médecine montrent toujours des muscles et des os bien propres, privés de leur contexte adipeux, bien dégagés, sans la représentation de leur enveloppe de collagène.
Cette notion d’enveloppe est souvent oubliée dans l’étude anatomique, car elle est très fine et collée au muscle. Pourtant de visu, il faut constater que chaque muscle est soigneusement emballé et séparé de ses voisins dans ce qui pourrait ressembler à du film cellophane.

Les structures osseuses sont aussi totalement différentes en dissection : les os des squelettes d’anatomie sont soit simplifiés, soit déminéralisés et ternes, sans leur cartilage.

La dissection permet pleinement de comprendre le contexte des articulations, notamment de voir l’aspect concret d’une capsule articulaire ; en l’occurrence une coiffe des rotateurs. En temps normal, les cartilages ont un aspect très brillant, comme s’ils étaient huilés.

Un fait assez déroutant, lors du croquis de dissection, est l’évolution plutôt rapide du modèle, une conséquence de l’oxydation des chairs. Les livres présentent, certes, une couleur réaliste, mais vite arbitraire. Les couleurs réelles sont beaucoup plus diverses ‒ elles dépendent notamment du type de fibre musculaire ‒ et changent très vite, ce qui rend la colorisation complexe.

Il y a quelque chose de fascinant à voir un anatomiste démonter couche par couche un membre à la manière d’une mécanique connue par cœur. Petit à petit, on commence à retrouver ses bases théoriques et à nommer mentalement chaque structure présentée.
Un détail assez important à noter est que l’on ressent étrangement une sorte de répulsion plus forte à voir les extrémités des membres disséqués, celles qui sont le plus innervées, comme la main ou le pied. On éprouve une sorte de douleur empathique désagréable qui peut forcer à détourner le regard. Il est curieux de voir que le cerveau joue toujours avec notre ressenti de la douleur, appliquant son empathie à chaque membre, même ceux qui nous sont étrangers.