Les dates clefs de la vie de Madame Mantois

Comment mettre en couleur à la main les lithographies imprimées en noir

Madame Élisa Mantois dirige un atelier d’enluminure dédié à la mise en couleur des planches lithographiques. Des coloristes, uniquement des femmes, travaillent sous sa direction selon un rigoureux partage des tâches. Dans ce chapitre, nous proposons une reconstitution d’un atelier d’enluminure au XIXe siècle, à partir d’une recherche documentaire très précise décrivant l’espace, le mobilier et l’outillage, ainsi que le mode d’organisation type de tels ateliers.

Nous avons également réalisé une enquête approfondie sur les traces de Madame Mantois, dont nous rendons compte de différentes façons.

3 - Left

© Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)

Les dates clefs de la vie de Madame Mantois

Ce chapitre regroupe tous les éléments que nous avons pu découvrir concernant la carrière de coloriste de Madame Élisa Mantois. Chaque date clef est commentée et illustrée par un document de référence. Cette femme remarquable a été reconnue de son vivant, elle a obtenu de nombreuses distinctions pour son travail d'enluminure, en particulier la mise en couleur de l'atlas de Bourgery et Jacob, le Traité complet de l'anatomie de l'Homme, mais également pour ses recherches sur le blanc de zinc, une préparation qu'elle a contribué à mettre au point et à faire connaître.

1854 – Participation de Madame Mantois à l’Exposition Universelle de Paris

Charles-Joseph-Nicolas Robin, dans son « Histoire illustrée de l’exposition universelle », raconte ses déambulations dans les travées de l’exposition de 1854. Il décrit ainsi le travail d’Élisa Mantois présenté par l’éditeur M. Victor Masson : « Çà et là le regard s’accroche à des planches d’anatomie ; mais la chair, caressée par le pinceau de Madame Mantois, loin d’effaroucher la sensibilité du visiteur, lui tend un appât de nuances roses et fraîche qui sollicitent son analyse.»

Charles-Joseph-Nicolas Robin, Histoire illustrée de l’exposition universelle, Paris, Furne, 1855
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1854 – Le métier de coloriste

Dans son ouvrage « Dictionnaire de la conversation et de la lecture », M. W. Duckett décrit à grands traits le métier de coloriste auquel Madame Mantois a consacré sa vie.

M. W. Duckett (direction), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous…, Tome Huitième, Paris, Comptoirs de la direction, 1854
Numérisé par Google

« Plusieurs manuscrits du moyen âge nous montrent qu'à cette époque l'enluminure unissait le mérite de l'invention à celui de l'exécution. C'était alors un art employé surtout pour l’illustration des livres de sainteté. Aujourd'hui ce n'est plus qu'un métier, dont l'objet est de donner à la gravure, à la lithographie, la couleur dont elles sont dépourvues. Ses produits font les délices des petits enfants, de la plupart de nos paysans, des habitués de cabaret; c'est là, dans la salle humide et enfumée d'un bouge infect, que les buveurs interrompent quelquefois leurs libations par de judicieuses et artistiques observations sur le saint Jérôme pendu à la muraille , et qui a du gros rouge brique à la culotte et du bleu indigo sur sa casaque , le tout bonne mesure et sans atténuation ni dégradation sur les lignes de contour. Chacun connaît la coloration des cartes d'un jeu de piquet; c'est l'archétype de l'enluminure proprement dite. Mais depuis les progrès qu'a faits la lithographie , il s'est établi une branche plus relevée, qui, avec quelques prétentions artistiques , s'est donné le nom de coloriage. De jeunes personnes, plus ou moins initiées aux arts du dessin, douées d'un certain goût et d'une grande légèreté dans les doigts, se sont faites enlumineuses, tout en repoussant ce titre pour prendre celui de coloristes. A elles d'interpréter les fines créations de Granville, de Gavarni; d'ajouter un nouveau prix aux belles publications iconographiques sur l'histoire naturelle, l'anatomie, l'ethnographie, etc. Dans leur domaine rentrent aussi les caricatures, gravures de modes, etc. Pour le coloriage, il faut que la gravure soit fine et très légère; il faut que les contours soient plutôt indiqués seulement que tranchés : alors , sous les doigts délicats de la coloriste (car ce sont des femmes qui font ordinairement les ouvrages courants), les teintes de la couleur se fondent, se marient avec le trait de la gravure, et souvent on ne pourrait, sans y regarder de près , s'assurer que des couleurs si bien fondues, si bien nuancées, dégradées, n'appartiennent pas à une aquarelle véritable. Les produits de la lithographie se prêtent en général beaucoup mieux que ceux d'aucun genre de gravure au procédé du coloriage. Dans ces deux sortes d'enluminures, les couleurs doivent être assez transparentes pour laisser voir le travail de la gravure. On les prépare à l'eau légèrement gommée , et on les applique à l'aide de petits pinceaux de blaireau. Presque toujours la gravure que l'on veut enluminer doit-être soumise à un léger encollage qui donne au papier la consistance nécessaire. »

1861 – Dernière adresse connue de Madame Mantois

La dernière mention que nous avons trouvée, relative à Madame Mantois et à l’exercice de son métier de coloriste, est une note de bas de page dans l’ouvrage de l’artiste Borromée sur la régénération de la peinture à fresque. Il indique que l’on peut acheter un blanc de zinc « très-bien préparé par Mme Mantois, rue Furtenberg, 7 ».
Nous supposons qu’à cette adresse, cette dernière a adossé à son atelier une sorte de petit comptoir où l’on pouvait faire l’acquisition des couleurs qu’elle préparait.

Borromée, Régénération de la peinture à fresque, Paris, Librairie de Firmin Didot Frères, Fils et Cie., 1861
Numérisé par Google